Gustave Courbet, Le Hammac, 1844 (70,5 x 97 cm, exposé acutellement au Museum Oskar Reinhart), photo empruntée sur commons.wikimédia |
C’était une fin d’après-midi ennuyeuse à mourir et ne
trouvant aucun attrait pour la peinture, le canevas ou la lecture, pourtant si
chers à mon cœur, je m’allongeai dans ce hamac qui murmurait dans un écho mon
nom.
« Viens », « viens » ! me
soufflait-il avec insistance et, après une légère résistance, je m’abandonnai à
cet appel à la rêverie.
Allongée, mes yeux fixaient le ciel que certaines branches
d’arbres mues par le vent me cachaient de temps à autre.
Le silence se fit pesant…
Je marchais seule dans une allée du jardin où mille et une
fleurs embaumaient d’un florilège de senteurs et de couleurs. Mes yeux
émerveillés et respirant à plein poumons, je me sentis enivrée, prête à
vaciller.
Il faut dire que mon corsage, serré à l’extrême, ne
permettait guère une respiration aisée. A nous voir, jeunes ingénues, on
aurait pu nous croire d’une santé fragile. Bien au contraire, je n’aspirais
qu’à laisser mon corps élancé libre de ses mouvements offert à tous les vents
qui s’engouffraient dans ma longue chevelure soyeuse et les voiles légers que
j’aimais à porter.
Marcher pieds nus sur l’herbe duveteuse provoquait un
frémissement de tout mon être et j’imaginais la douce main d’un amant en
caressant la plante.
L’abbé aurait été horrifié de ces pensées impures s’il en
avait eu vent aussi je gardais pour moi, au plus profond de mon cœur et de mon
être, les histoires que je me racontais en jeune fille en fleur.
Souvent mère me disait sa désapprobation de me voir lire les
aventures chevaleresques où l’amour courtois se mêlait aux batailles de
pouvoirs.
L’amour courtois !
Ces mots faisaient battre mon cœur
plus fort à mes tempes endolories et je feignais de m'évanouir lorsque j'y pensais. C'est-à-dire souvent !
Nourrice, dans tous ses états, se précipitait
alors avec une fiole craignant un malaise.
Je riais intérieurement, ses affolements m’amusaient et je
jouais la comédie parfois pour lui faire plaisir car, à mon âge disait-elle, il lui semblait ne plus m'être très utile, hormis pour jouer les chaperons.
Je cheminais donc sur cette petite avenue où les arbres me
faisaient haie d’honneur, m’attendant à rencontrer l’amour au détour du chemin.
Serait-il blond, brun ? Aurait-il les yeux Bleus,
marron ? Serait-il grand et bien fait de sa personne ?
Autant de questions qui embrumaient mon esprit échauffé et
impatient.
Tout à coup, je pris conscience du silence pesant planant sur
les lieux. Les oiseaux avaient cessé leurs chants mélodieux et délicats. Un
corbeau se posa devant moi, oiseau de mauvais augure disait-on.
Pourtant, ce pauvre animal n’y était pour rien, pourquoi
l’homme s’acharnait-il à rechercher le mal dans les beautés de la terre ?
Pourquoi avait-il tant peur pour son âme et craignait-il la main vengeresse du
tout puissant alors qu’il était l’unique acteur de sa destinée ?
Une jeune fille ne pouvait décemment avoir de telles
réflexions et encore moins des idées aussi tranchées…
Une voix sortie d’outre-tombe tonitrua tout à coup. Etait-ce
un effet de mon imagination trop fertile aux dires de mes proches ?
- « Que faites-vous dehors à cette heure tardive gente
demoiselle ? »
Je tournai la tête machinalement du côté où, me semblait-il,
venait la voix étrange mais ne vit personne.
Mes membres se mirent à trembler mais je me ressaisis
aussitôt pour redresser mon port altier, me donnant ainsi plus d’assurance.
- « Montrez-vous Monsieur, il est indigne d’un gentil
damoiseau d’agir de la sorte ! »
Je n’obtins aucune réponse et je commençai à paniquer. Un
souffle chaud, doux comme un murmure, caressa mon épaule et je fermai les yeux,
prête à sombrer corps et esprit.
- «Comment vous appelez-vous ? » lâcha-t-il.
- « Gwendolé » répondis-je machinalement. « Et
vous ? »
- « On me nomme différemment : Amour, cupidon, Eros,
Valentin ! susurra-t-il.
Sa réponse résonna dans mon cerveau. Etait-ce un
effet de mon esprit défaillant ?
Je me sentis enivrée de ses paroles, j’étais sous son
emprise, abandonnée. Des sueurs moites perlèrent à mon front. Que dire
maintenant ?
- « Vous me torturez Monsieur » répliquai-je
simplement
- « Vraiment ! » « N’attendiez-vous pas que
l’amour vous submerge ? » « Eh bien, me voici ! »…
Mon cœur battait la chamade et j’avais du mal à respirer.
Mon cerveau commença à s’embrumer et je n’entendis plus rien. Mes jambes se
dérobèrent et je m’évanouis.
« Ah ! Comme ce rêve est doux, j’aimerais ne plus
me réveiller ! » pensais-je en mon fort intérieur.
- « Mademoiselle ! » Une voix résonnait à mes
oreilles, comme un écho à mon cœur. Elle était douce et apeurée à la fois. « Réveillez-vous ! »
J’ouvris au prix d’un immense effort les yeux et je LE vis…
l’Amour incarné, un ange déchu envoyé sur terre pour aimer…
Marisa F. (26/08/2013)
Tous droits réservés
Texte écrit et présenté sur le blog pour le jeu d'écritures n° 13 paru sur le blog http://a1000mains.fr/
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